S’entraîner sans blessures

Dans cet article je vais parler d’un sujet qui fâche : les blessures. Ne nous mentons pas, pratiquer un art martial, ou toute autre activité physique, augmente les risques de blessures. Est-ce une raison pour rester devant la télé sur son canapé ? Clairement pas, et si vous n’en êtes pas convaincus je vous invite à relire notre article sur les bienfaits des arts martiaux.
Même si le risque zéro n’existe pas, il est possible de diminuer grandement les risques de blessures en étant bien renseigné et attentif. Voici les notions fondamentales à connaître pour prévenir les blessures.

Les blessures en quelques chiffres

Les sports les plus risqués

Une étude menée au Royaume-Uni permet de se faire une idée claire des activités sportives qui causent le plus de blessures. Elle est intéressante car elle confronte les croyances des personnes interrogées à la réalité. D’après les anglais interrogés, la boxe risque à 50% de vous blesser, suivi du rugby (23%), de l’équitation (16%) et enfin des arts martiaux (12%).

Qu’en est-il de la réalité ? Voici la réponse :

Statistiques blessures sport
Statistiques blessures

On remarque que, d’après les résultats de l’étude, la boxe n’est même plus dans le top 10 et que les arts martiaux “traditionnels” (judo, karaté, taekwondo) sont 2 fois moins dangereux que ce que les gens s’imaginaient. Un des facteurs qui peut expliquer de tels résultats est le temps d’exposition : un match de foot dure au minimum 1h30 alors qu’on combat de boxe dure au maximum 36 minutes (12 rounds de 3 minutes). Concernant la course à pied, elle est souvent pratiquée sans aucun encadrement. Or sans entraîneur, les phases de préparation à l’effort et de récupération sont souvent bâclées ou mal exécutées. Car les “coureurs du dimanche” n’ont pas les connaissances nécessaires pour prendre soin d’eux. Ainsi un sport considéré comme doux devient une activité assez risquée.

Une autre étude menée par une université Australienne s’est intéressée à analyser en détail les blessures dans les sports de combat les plus pratiqués dans le monde. Celle-ci, contrairement à la précédente, intègre les arts martiaux mixtes. On y apprend que le MMA présente le plus de risque de blessure, suivi des arts de percussions (dans l’ordre : boxe anglaise, Karaté, Kickboxing et Taekwondo). Enfin, le Judo semble le plus épargné.

Et concernant la gravité des blessures ?

Entre une simple coupure et un bras cassé il n’y a pas photo. C’est pourquoi il est dur de se représenter la dangerosité d’un art martial en se basant simplement sur le nombre de blessures. Il faut aussi connaître le type de celles-ci. Le prochain graphique présente donc les blessures les plus courantes en fonction de l’art martial pratiqué :

Type de blessures
Type de blessures

On retrouve majoritairement des coupures et des contusions dans les sports de percussions.  C’est d’ailleurs à cause des coupures que les arts martiaux mixtes et la boxe anglaise comptent le plus de blessures. Au judo et donc dans les sports de luttes, les blessures sont plus variées même si on retrouve majoritairement des entorses (31%). Concernant les blessures plus graves, on les retrouve dans le kickboxing avec 18% de commotions cérébrales et dans le MMA avec 27% de fractures. Au judo, elles sont plus rares avec seulement 2% de fractures et 1% de commotions cérébrales.

C’est rassurant tout ça …

Ces statistiques sont tirées des compétitions, donc l’intensité est à son comble. C’est pourquoi s’entraîner intelligemment est essentiel pour éviter de trouver les mêmes risques de blessures qu’en compétition.

La prévention des blessures

massages
Les massages, un excellent moyen de prévenir les blessures

Connaître son niveau d’investissement

Il est important de rappeler que le risque de blessure n’est pas le même entre un combattant compétitif qui s’entraîne au minimum une fois par jour et un combattant loisir qui pratique son activité deux à trois fois par semaine. Si on grossit le trait, le premier, pour repousser ses limites, va s’entraîner au détriment de sa santé tandis que l’autre s’entraîne pour être en bonne santé. Les personnes les plus à risques étant les amateurs très investis. Car ils s’entraînent à un rythme soutenu, mais ne sont pas suivis par les mêmes personnes que les professionnels. Et sans kiné, sans nutritionniste, sans préparateur physique il devient dur d’éviter les blessures.

C’est pourquoi deux choses sont essentielles pour les amateurs :

  • Avoir un minimum de connaissance en nutrition, préparation physique et récupération pour savoir prendre soin de soi (si on résume : lire souvent Healthy Fighter).
  • Ne pas comparer ses performances à celles des professionnels. Cela pousse à aller trop loin alors qu’on ne possède pas les ressources (équipement, entraîneur, temps de repos etc.) pour y arriver.

Savoir s’écouter

Toute personne passionnée doit connaître cette envie d’en faire toujours plus. Ceci pour le plaisir de pratiquer et pour s’assurer d’atteindre le niveau de performance souhaité. Malheureusement, avec des séances d’entraînement trop rapprochées et sans travail de récupération de la part du pratiquant, le corps n’a pas le temps de se régénérer correctement. Ainsi petit à petit des gènes peuvent s’installer, elles peuvent se transformer en douleurs puis en blessures et enfin en blessures chroniques. Savoir s’écouter c’est être capable d’adapter son entraînement dès les premiers signes que le corps envoie. Or jusqu’à la survenue d’une blessure, il est toujours possible de s’entraîner. Combien de personnes se sont dit “je ressens une douleur mais c’est pas ça qui va m’arrêter, je suis un combattant”. Certes, mais est-ce qu’il est préférable d’adapter son entraînement pendant 2 semaines et le reprendre normalement, ou continuer sans rien changer et être forcé d’arrêter pendant plusieurs mois à cause d’une blessure ?

Au final un combattant blessé devient aussi dangereux qu’un vieillard …

Qu’est ce que ça veut dire “adapter son entraînement” ?

Le plan d’action est simple, il consiste à :

  • Solliciter au minimum la partie endolorie pendant l’entraînement. Si on ressent une douleur à l’épaule, il vaut mieux utiliser seulement l’autre bras. Si on a mal à une partie de la jambe, on peut travailler en position fixe en limitant toute forme de déplacement… Ces handicaps sont aussi l’occasion de se mettre en difficulté et de progresser sur ses points faibles ;
  • Réduire l’intensité de son entraînement, particulièrement lors des combats libres ;
  • Être attentif à son hygiène de vie hors de l’entraînement (temps de sommeil, alimentation, hydratation) ;
  • Prendre soin de la partie endolorie, idéalement en consultant un professionnel (ostéo, kiné …) qui peut conseiller sur des exercices à faire à la maison ;

Parfois les entraînements finissent tard, ce qui écourte les nuits de sommeil. Donc pendant cette période transitoire, il est judicieux de diminuer la fréquence des entraînements pour faire des soirées “récupération” où l’on mange et dort bien.

Consulter un ostéo ou un kiné n’est pas accessible à tout le monde. Heureusement il est possible de pratiquer des autos massages et de s’étirer chez soi… mais à condition de savoir ce que l’on fait ! Avant de se lancer il convient de se renseigner au maximum auprès d’experts via leurs chaines YouTube où leurs livres.

Laisser son ego de côté

étranglement en jiu jitsu brésilien
Pas facile de rester calme quand quelqu’un essaye de nous étrangler.

Les sparrings

Les séances de combats libres -autrement appelées sparring– deviennent parfois des batailles d’ego. Ces séances ont pour but de développer de nouvelles compétences dans un environnement hostile et sont essentielles pour progresser réellement dans un art martial. Mais trop souvent, les pratiquants se servent des sparrings pour comparer leur niveau et non pour développer des compétences. Si dans ce genre de situation l’adversaire le plus expérimenté se trouve dans une position de faiblesse, il va très souvent augmenter l’intensité du sparring pour ne pas “perdre”. C’est dans ce genre de moment que les blessures arrivent.

Un exemple courant dans les sports de luttes est lorsqu’un des adversaires est pris dans une clé articulaire ou un étranglement et qu’il devrait abandonner. Mais celui-ci, blessé dans son estime, ne va pas vouloir abandonner. Son adversaire, trop content d’avoir pris le dessus ne va pas vouloir lâcher la prise… et crac c’est la blessure. Ainsi au lieu d’abandonner et de reprendre le sparring de nouveau pour voir quelle a été son erreur, le pratiquant vient de se blesser et de perdre des semaines d’entraînement. L’autre, qui ne voulait pas laisser son adversaire sortir de la position, vient de perdre un partenaire de sparring.

Ce genre de situation est tellement fréquent que c’est devenu une blague dans le monde de la lutte et du combat libre : “tap or snap” [abandonne … ou crac].

Etre conscient de son physique

Dans un combat la force, la taille, le poids et l’âge comptent. Les petits fils du fondateur du Jiu jitsu brésilien ont d’ailleurs déclaré que tous les 10 kilos ou tous les 10 ans représentent l’équivalent d’une ceinture. Cette échelle est importante à garder en tête car contrairement aux compétitions, pendant l’entraînement il n’y a pas de catégorie d’âge ou de poids. Bien souvent lors des sparrings, seul l’expérience (couleur de la ceinture, nombre d’années de pratique) compte aux yeux des pratiquants et pas assez leur physique. Ce qui peut mettre beaucoup de pression sur le pratiquant plus expérimenté qui va devoir constamment se dépasser face à des adversaires plus jeunes ou beaucoup plus forts physiquement. Ce n’est pas un problème s’il est en forme, mais s’il fatigué pour une raison quelconque c’est là que les blessures peuvent arriver. C’est pourquoi il est essentiel d’être conscient de ses capacités et d’accepter d’être en difficulté pendant l’entraînement.

La majorité des combattants qui pratiquent leur discipline depuis plusieurs années ont conscience de ces différents conseils. Malheureusement, c’est souvent une fois qu’ils se sont blessés ou qu’ils ont blessé un partenaire qu’ils vont les appliquer. La blessure est une leçon qui permet de changer son comportement.

Mais pourquoi attendre de se blesser pour commencer à s’entraîner intelligemment ?

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